Présentées aux journées du patrimoine 2017
Lorsque nous avons découvert des registres avec des nourrices et des gardiennes d’enfants au 19ème à Bouthéon, nous sommes tombés des nues.
Jamais nous n’avions entendu parler d’une organisation aussi bien structurée pour sauver des nourrissons dans notre ancien village de Bouthéon.
Pour bien comprendre l’importance de cette organisation, il faut se rappeler le contexte catastrophique au 19ème :
En 1833,
- 40% environ des enfants illégitimes sont abandonnés ;
- 127.000 enfants abandonnés en France dans les années 1830 ;
- En 1844 , à Montbrison un préposé s’occupe du service extérieur des enfants trouvés et abandonnés
Suite aux mauvaises conditions d’hygiène, la mortalité infantile est de 26% ; les biberons avec un long tube en caoutchouc étaient sources de germes et de bactéries. Il y avait peu d’eau potable et les puits étaient souvent situés pas très loin du tas de fumier.
A cette époque, on parle beaucoup des nourrices du Morvan qui vont à Paris pour élever un enfant bourgeois, mais leur enfant est sevré et bien souvent décède lors du retour au pays.
Mesures nationales prises au 19ème :
En 1865, le docteur Monot du Morvan a eu un grand mérite : celui de dénoncer les abus de l’industrie des nourrices dans un mémoire destiné à l’Académie de médecine qui fit scandale. Ce mémoire est à l’origine de la loi Roussel.
En 1894, le docteur Dufour crée la goutte de lait à Fécamp (institution pour promouvoir l’allaitement maternel et distribuer du lait stérilisé aux femmes qui ne peuvent allaiter).

Le 23 décembre 1874 la loi Roussel : loi pour la protection des enfants 1er âge avec une mention très claire : « surveillance de l’autorité publique ».
Les nourrices à Bouthéon dès 1877 :
Les élus de Bouthéon, les habitantes s’investissent à fond dans cette protection des enfants 1er âge.
Un certificat du Maire est délivré aux nourrices (il faut noter que le mari doit donner son accord).

Un registre détaillé est tenu par le secrétaire de Mairie : ci-joint « le registre de la Mairie » daté de 1898 ; il a beaucoup souffert.

Par contre, en 1882, il est en très bon état.

Le 1er registre sur Bouthéon concerne 139 enfants de 1877 à 1889.
A compter du 1er janvier 1898, nouveau registre grand format en A3 ; ce registre se termine en 1910 et on recense 200 enfants concernés ; c’est très lisible avec des mentions nouvelles : l’origine et la profession des parents ; ci-joint le registre grand format de 1908.

Quelques professions des parents :
Employé de chemin de fer, brigadier, pâtissier, armurier, employé de commerce, tailleur, boucher, typographe, ouvrière en soie ; on trouve quelques mères célibataires (c’est noté enfant naturel).
Mode de nourriture : au sein environ 30% ; au biberon environ 70%
En 1901, on recense 24 placements d’enfants à Bouthéon.
L’enfant est élevé jusqu’à l’âge de 2 ans mais il peut être retiré avant.
Le sérieux de la commission municipale :
La commission municipale se réunissait une fois par mois le dimanche après-midi avec 2 femmes qui visitaient les nourrices et un compte rendu détaillé était envoyé au Préfet. Assistaient également à cette réunion le Maire, le Secrétaire de Mairie ; il est à noter que le curé de la paroisse était excusé à chaque réunion ; par contre les sœurs Saint Joseph jouaient le jeu en proposant un dépôt de médicaments pour les enfants gardés (voir commission de surveillance ci-joint).

Les « surveillantes » étaient parfois sévères :
« … les délinquantes ont reçu l’adjonction de rigueur et promis de remédier à la faute … » : ça concernait souvent l’hygiène des biberons : ces biberons furent interdits vers 1920.
Par contre, en 1894, les nourrices sont félicitées (voir commission de surveillance ci-joint).

Evidemment cette activité pouvait faire l’objet de jalousie et on trouve des lettres de dénonciation.

Question pourquoi Bouthéon s’est investi dans cette mission ?
A cette époque, la grande ville Sainte Etienne était enfumée, donc le bon air de la campagne pouvait justifier un placement sur Bouthéon.
Bouthéon était un village rural, la rémunération des nourrices constituait un revenu d’appoint pour les familles agricoles.
Les registres paroissiaux de 1844 mentionnent déjà des décès d’enfants placés à Bouthéon ; donc il y avait une coutume bien établie.
Il se peut également que le Maire et l’instituteur étaient en parfaite harmonie avec la 3ème république.
Le développement industriel faisait que de nombreuses femmes travaillaient et ne pouvaient assumer l‘allaitement de leur enfant.
On retrouve donc le même contexte qu’aujourd’hui et les missions de la Protection Maternelle et Infantile de nos jours sont similaires.
Recherches 2017 effectuées par les Amis du Vieux Bouthéon